Gioachino Rossini

(1792-1868)

Ivanhoé

Opéras en trois actes

Livret de
Émile Deschamps et Gabriel-Gustave de Wailly

Personaggi

Ivanhoé (ténor) chevalier saxon
Cédric le Saxon (basse) son père
Brian de Boisguilbert (basse) chevalier normand
Albert de Malvoisin (ténor) chevalier normand
Le Marquis Lucas de Beaumanoir (basse) général en chef de l'armée noramande
Ismaël (basse) musulman, argentier du Roi de France
Un héraut d'armes (ténor)
Thierry (personnage muet)
Léila (soprano) fille d'Ismaël
Chevaliers Saxons et Normands
Peuple

Le théâtre représente une salle gothique ; des instrumens de guerre et de chasse sont suspendus aux murs.
On voit, dans le fond, une large fenêtre, et, à gauche, une vaste cheminée. Au lever de la toile, on entend gronder un orage.

Scène première
Cédric et ses vassaux sont à table. Un Pèlerin est assis près de la cheminée.

Cédric et Chœur
Saxons, la coupe en main
Au succès de nos armes !
Peut-être les alarmes
Vont renaître demain.

On frappe à la porte de la salle

Scène deuxième
Les précédens, Ismaël, Léila

Léila et Ismaël
Seigneur, dans votre demeure
Par pitié recevez-nous.

Chœur
Loin d’ici partez sur l’heure,
Ou craignez notre courroux.

Le Pèlerin
(à Léila)
Vite, vite, à cette place,
Sans bruit venez vous asseoir.

Léila
Ah ! seigneur, je vous rends grâce ;
Mon cœur renaît à l’espoir.

Chœur
Un musulman ! quelle audace !
Renonce à ce fol espoir.

Le Pèlerin
Méprisez leur insolence,
Je saurai vous protéger.

Léila
Sur notre reconnaissance
Comptez, ô digne étranger.

Le Pèlerin
Oui, malheur à qui menace
L’innocence et la beauté !

Léila
Quoi ! prés de vous prendre place !
Pèlerin, quelle bonté !
Ils sont à notre poursuite.

Ismaël
Sauvez-nous de leur fureur !

Chœur
Loin d’ici, race maudite !
Un musulman ! Quelle horreur !

Léila
Point de colère,
De mon vieux père,
À ma prière,
Calmez l’effroi.

Ismaël
Point de colère,
Ah ! d’un vieux père,
À sa prière,
Plaignez l’effroi.

Chœur
Vaine prière !
Vil temeraire
Crains ma colère,
Retire-toi.

Cédric
Non, sa priére
Ne peut déplaire ;
De son vieux père,
Je plains l’effroi.

Le Pèlerin
Votre prière
Ne peut déplaire ;
Cédric est père ;
Ah ! point d’effroi.

Léila et Ismaël
Excusez notre audace,
Seigneur, sauvez, de grâce,
Des fureurs d’un méchant
Un père et son enfant.

Chœur
Vaine prière !
Vil temeraire
Crains ma colère,
Retire-toi.

Cédric
Paix ! Mes dignes hôtes, lorsque la guerre est à nos portes, ne refusons l’hospitalité à personne. La trève conclue entre l’Angleterre et le roi de France, Philippe, expire demain ; et qui sait si alors nous aurons encore un asile ? Que ce musulman reste avec so fille, quoique sa présence éveille en mon âme des souvenirs douloureux... Je me suis croisé jadis, comme tous les chevaliers chrétiens, et je ne puis voir un turban sans songer qu’en Palestine, il y a quinze ans, j’ai vu périr par le fer des infidèles mon vieux compagnon d’armes, Olric, le dernier descendant mâle du grand Alfred. Édith, sa fille, qui n’était qu’un enfant alors, et dont il n’avait pas voulu se séparer, tomba au pouvoir des ennemis, et depuis lors j’ignore ce qu’elle est devenue.

Léila
Seigneur, mes compatriotes ne sont pas si cruel qu’on les dépeint ; ils auront pris soin de ses jours ! et, si les prières de ceux que vous avez si généreusement accueillis sont entendues du ciel, vous reverrez l’objet de vos regrets.

Cédric
Je crains bien qu’elles n’aient pas cette influence, aimable enfant ; mais je n’en suis pas moins reconnaissant de tes souhaits. Avant de nous retirer, je veux porter une derniére santé. C’est à vous de me faire raison, sire pèlerin, puisque vous arrivez de la Terre-Sainte ; allons, au plus vaillant des défenseurs de la croix !

Le Pèlerin
(se levant avec enthousiasme)
Au roi Richard !

Cédric
(avec feu)
Qui ? ce Normand qui a entraîné loin de moi mon fils Ivanhoé ! ce ravisseur de l’appui de ma vieillesse ! Étranger, vous avez rouvert dans mon âme une plaie bien profonde !.. Mais Cédric ne doit pas regretter el Saxon qui suit un maître normand... Écartons ces idées : musulman, comment oses-tu venir dans un pays dont les habitans ont tant de motifs de vengeance contre les hommes de ta nation ?

Ismaël
Noble seigneur, que feraient-ils d’un pauvre marchand ? Le commerce est le seul bien que la guerre ne rompt pas entiérement ; je ne possède rien d’ailleurs, et je ne crains que pour ma fille Léila, que votre courtoisie vient de soustraire à la violence de ce terrible Normand.

Le Pèlerin
(vivement)
Que veux-tu dire ? explique toi.

Ismaël
Vous saurez donc, digne pèlerin, et vous, noble seigneur, que nous revenions de la grande place d’armes d’Ashby, où, sur la foi de la trève, j’etais allé pour satisfaire la curiosité de ma fille, et pour y vendre quelques armures que de pauvres chevaliers, morts insolvables, m’avaient laissées en gage. Pendant le tournoi, le chevalier Brian de Boisguilbert avait regardé ma fille avec une attention qui me fit concevoir des craintes que l’événement a trop bien justifiées ; car, à l’entrée du bois qui entoure ce château, nous avons été poursuivis par une troupe d’archers ; et à leur tête, j’ai reconnu Boisguilbert.

Tous
Boisguilbert ! ! !

Ismaël
Boisguilbert, dont la vengeance
Fut toujour l’unique loi.
Boisguilbert, que l’innocence
N’a jamais vu sans effroi !
Ah ! maudite complaisance !
La peste soit du tournoi !

Chœur
Avec son air d’importance
Le poltron se meurt d’effroi.

Ismaël
Dans mon cœur qu’elle tourmente
Son image, encor présente,
Me poursuit et m’épouvante.
Daignez donc, seigneur, écouter
Ce que je vais vous raconter :

L’esprit encor plein de la fête,
Nous cheminions au petit trot,
Lorsque sur nous, le casque en tête,
Le fier Normand fond au galop.

Chaque instant accroît nos alarmes :
Je presse en vain mon coursier :
Ah ! que n’avais-je les armes
Et le cœur d’un chevalier !

Chœur
Qui pourrait craindre les armes
Dans la main d’un tel guerrier ?

Ismaël
Mais, hélas ! pour ma fille
Je davais me conserver.
Près de nous le fer brille ;
Plus d’espoir de nous sauver !

Quand tout-à-coup d’un cloche
Mon oreille entend les sons.
Ô ciel, Boisguilbert approche !
Fuyons, Léila, fuyons !

J’entends sa voix farouche
Retentir dans le bois !
Il nous presse, il nous touche !
Oui, c’est lui, je le vois !

Chœur
Il les presse, il les touche,
Pourront-ils échapper de ce bois ?

Ismaël
Mais soudain la foudre gronde,
Le ciel s’ouvre avec fracas ;
Bientôt une nuit profonde
À leurs yeux cache nos pas.

Déjà plus loin, sur la bruyère
J’entends leurs chevaux galoper.
Enfin, ma fille, j’espère,
Nous pourrons leur échapper.

Du bois nous sortons en silence ;
Ce château se montre à nos yeux ;
Mon cœur renaît à l’espérance,
J’y trouve un appui généreux.

Chœur
Qu’ici sa fureur nous/les assiège,
Je ne crains/il ne craint plus rien désormais,
Le vaillant Cédric nous/les protège,
Et ses rempart sont fort épais.

Cédric
Je ne me repens pas de vous avoir accueillis : on trouvera toujours dans le château de Cédric le Saxon un asile contre les attentats d’un Normand ; mais la prudence exige quelques soins ; car on sait que ce Boisguilbert ne respecte rien. Oswald, qu’on lève le pont ; moi je vais veiller à la sûreté du château ; je reviens à l’istant, pèlerin, ne vous éloignez pas. (Puissions-nous n’avoir que des étrangers à combattre !)

Cédric sort avec ses vassaux ; Léila entre dans la chambre qui lui est indiquée ; Ismaël se dispose à la suivre, lorsqu’il est arrêté par le Pèlerin.

Scène troisième
Le Pèlerin, Ismaël

Le Pèlerin
(à part)
Ismaël, l’argentier du roi de France dans le château de Cédric ! Ne serait-ce point une ruse de Philippe ? Éclaircissons ce doute.
(haute)
Ismaël !

Ismaël
(se retournant)
Qui m’appelle ? Le pèlerin ! Comment sait-il mon nom ?

Le Pèlerin
Est-ce bien la crainte de Boisguilbert qui t’a conduit ici ? Ne cherche pas à m’abuser : tu parles à un homme qui te connaît mieux que tu ne penses.

Ismaël
Seigneur pèlerin, si vous me connaissez, vous devez savoir que je ne suis qu’un pauvre marchand étranger aux débats politiques. Le roi de France, Philippe, auquel j’ai eu l’honneur de rendre de légers services en Palestine, m’a emmené avec lui ; et comme il vient de faire une descente en Angleterre, je suis arrivé à sa suite.

Le Pèlerin
Pour t’enrichir de nos dépouilles ?

Ismaël
Hélas ! sire pèlerin, comment vivre sans un peu d’industrie ? mais plût à Dieu que je fusse aussi riche que mes ennemis le prétendent !

Le Pèlerin
Mécréant, crois-tu m’en imposer ! Ne connais-je pas la grande pierre qui est au pied du palmier de ton jardin de Jérusalem ? Ne sais-je pas que cette pierre cache un escalier qui conduit à un certain caveau ?

Ismaël
Miséricorde ! ce n’est pas un homme, c’est mon mauvais génie !

Le Pèlerin
Comment n’as-tu pas craint de venir demander ici une hospitalité que tu as refusée à des croisés en Palestine ?

Ismaël
Ah ! sire pèlerin, c’est une pure calomnie.

Le Pèlerin
Eh ! quoi, ne te souvient-il plus de ce chevalier blessé que ta fille avait recueilli pendant ton absence, et que tu chassas impitoyablement de chez toi, à ton retour ?

Ismaël
Ah ! ce fut bien malgré moi ; ce chevalier était jeune, fallait-il exposer le cœur de ma fille ?

Le Pèlerin
Rends grâce à sa présence ; c’est à elle seule que tu dois de n’être pas livré à Boisguilbert. Retire-toi ; Cédric va revenir en ces lieux ; il veut me parler sans témoin.

Ismaël
Je sors, seigneur pèlerin ; mais vous me promettez, n’est-ce pas, de me garder le secret du caveau ? je vous assure, d’ailleurs, que j’ai fait, depuis quelque temps, de bien grandes pertes, et qu’il ne contient plus que quelques marchandises. Vous ne parlerez pas non plus du roi Philippe. Si l’on savait que c’est lui qui m’a amené ici...

Le Pèlerin
Je te le promets ; mais souviens-toi que la trève expire demain. Adieu.

Ismaël
Adieu, estimable pèlerin, adieu.
(il sort)

Scène quatrième
Le Pèlerin, seul

Le Pèlerin
C’est elle-même, c’est cette charmante Léila, dont les soins touchans, m’ont rendu à la vie, dans le Terre-Sainte ; la reconnaissance me fait un devoir de la secourir ; mais que dis-je ! je ne dois qu’à ces vêtemens groissiers l’asile que je reçois dans ce château ; j’y rentre en fugitif et sans espoir d’obtenir mon pardon. Quel appui que celui d’un proscrit ! Ah ! du moins j’ai mes armes, ne crains rien de Boisguilbert.

AIR
Blessé sur la terre étrangère,
Si je vois encor la lumiére
Je le dois à ton secours.
Je veux consacrer cette vie,
Qui sans toi m’était ravie,
À veiller sur tes jours.

Mais quel transport naît dans mon âme !
L’innocence de moi réclame
Un appui protecteur.
Je sens, à l’ardeur qui m’enflamme,
Que je dois être ton vengeur.

Je le jure d’avance,
Oui, je veux terminer ta souffrance :
Ce bras saura te protéger ;
Mon cœur s’ouvre à l’espérance,
Il ne connaît plus de danger.

Scène cinquième
Le Pèlerin, Cédric

Cédric
(dans le fond, à part)
Interrogeons cet étranger ; il revient de la Palestine ; peut-être entendrai-je prononcer un nom que je devrais avoir oublié pour toujours.
(s’avançcant et haut)
Digne pèlerin, daignez satisfaire la curiosité d’un vieux guerrier. Vous avez dû être témoin, dans la Terre-Sainte, des hauts faits d’armes des défenseurs de la croix. Quoique Cédric ne soit plus ce qu’il état jadis, un bruit de guerre est toujours plus flatteur à son oreille que les chants joyeux d’un festin.

Le Pèlerin
Seigneur, que vous dirai-je ? Chaque jour voit arriver ici les débris de notre malheureuse armée.

Cédric
Parmi les chevaliers échappés à ce désastre, vous avez connu Brian de Boisguilbert ?

Le Pèlerin
Oui, seigneur, je le vis au tournoi qui eut lieu après la prise de Saint-Jean-d’Acre.

Cédric
Ce fameux tournoi dont la renommée a porté jusqu’ici la nouvelle ! Le fougueux Boisguilbert n’y dut pas rester oisif !

Le Pèlerin
Il y combattit, seigneur, ainsi que deux autres chevaliers normands, qui ne doivent pas vous être inconnus : Albert de Malvoisin...

Cédric
Son ami, le confident de ses pensées...

Le Pèlerin
Et le marquis Lucas de Beaumanoir...

Cédric
Le chef de l’armée rassemblée au château de Saint-Edmond, à quelqes milles d’ici ; vous me cietz de bien fortes lances ! Et quels chevaliers osérent leur tenir tête ?

Le Pèlerin
Leurs vainqueurs.

Cédric
Leurs vainqueurs ! De par saint Dunstan, nommez-moi ces valereux champions, je vous prie.

Le Pèlerin
Le premier en rang, en honneur et en courage, Richard, roi d’Angleterre.

Cédric
Je lui pardonne d’être descendent du tyran Guillaume ; et le second ?

Le Pèlerin
Sire Henry Douglas.

Cédric
Véritable Saxon, par l’âme d’Heingist ; et le troisième, quel était son nom ?

Le Pèlerin
Le troisième, qui avait pour adversaire Boisguilbert, était un jeune chevalier moins renommé, qui fut admis dans cette honorable compagnie plutôt pour aider à l’enterprise.

Cédric
(avec étonnement)
Un jeune chevalier sans réputation, l’antagoniste, le vainqueur de Boisguilbert, du plus vaillant des chevaliers normands, et vous ne vous rappelez pas son nom ? Pèlerin, ce manque de mémoire m’étonne ; pourquoi ce silence subit ? Cette chaîne d’or est à vous si vous me nommez ce jeune héros.

Le Pèlerin
Puisque vous l’exigez, je vous le nommerai sans cette récompense, car j’ai fait vœu de ne point toucher d’or d’ici à un certain temps : ce chevalier était Saxon, et se nommait Wilfrid d’Ivanhoé.

Cédric
Wilfrid ! Ah ! mon cœur me disait que le sang de Cédric ne pouvait degénérer ; mais non, le fils qui m’a désobéi n’est plus mon fils, son destin m’est aussi indifférent que celui du dernier des Normands.

On entend le son du cor.

Scène sixième
Cédric, Le Pèlerin, Léila, Ismaël, Chœur

Léila et Ismaël entrent éperdus.

QUATUOR

Le Pèlerin
Ah ! point d’alarmes,
Séchez vos larmes,
Comptez sur nous.

Léila et Ismaël
Le cor résonne,
Ah ! je frissonne,
Entendez-vous ?

Cédric
De la prudence !
Faisons silence !
Écoutons tous !

Scène septième
Les précédens, un héraut.

Le Héraut
Boisguilbert vous propose ou la guerre ou la paix ;
Cette esclave est la sienne, et ma voix la réclame.
En son pouvoir tous deux remettez-les,
Ou, malgré vos remparts épais,
Craignez le courroux qui l’enflamme.

Le Pèlerin
Va-t’en, dis à ton maître
Qu’un un jeune chevalier
Qu’il apprit à connaître,
Ose le défier ;

Que le fer de ma lance
Saura, sur ces remparts
Punir son insolence
S’il brave mes regards.

Cédric
Quel est donc ce mystère ?
Mon fils est devant moi !

Chœur
Quel étonnant mystère
Dissipe notre effroi ?

Le Pèlerin
Pardonne-moi, mon père ;
En combattant j’espère
Désarmer ta colère
Et sauver son honneur.

Léila
Ô bonheur ! ô destin prospère !
Quel transport agite mon cœur !
Volez à ma défense,
Généreux chevalier !

Chœur
Meure l’indigne chevalier !

Ivanhoé
Je venge son offense ;
Dieu, sois mon bouclier !

Le Chœur et Léila
Le nom seul de la gloire
Fait palpiter mon/son cœur.

Chœur
Aux armes ! victoire !
Suivons ses pas !
Au seul nom de gloire
Il brave le trépas

(Cédric et Ivanhoé sortent avec le Chœur.)

Scène huitième
Ismaël, Léila

Ismaël
Ma fille, où fuir, où nous cacher ? Maudit tournoi ! pourquoi faut-il que j’aie quitté le camp français ?

Léila
Mon père, songez à ce brave chevalier qui s’expose pour vous en ce moment.

Ismaël
Puisse Mahomet étendre sa protection sur lui !

Sur la ritournelle de l’orchestre, les femmes entrent en désordre et précipitamment.

Léila
Quel tumulte ! Ah ! pourquoi ces alarmes ?

Ismaël
Viens, ma fille ; que faire sans armes ?

Léila
Ah ! de grâce, parlez ! voyez mes larmes !

Ismaël
Elle reste, je meurs de frayeur.

Léila
Mon cœur tremble ; sinistre présage !

Ismaël
Mon cœur tremble ; adieu, mon courage !

Chœur
Malheureuse ! le combat s’engage
Ta présence excite leur rage.
Suis ton père, évite leur outrage,
Et détourne de nous leur fureur.

Léila
(se dégageant des bras de son père, qui l’entraîne en fuyant)
Mon père, mon père ! que vois-je ? il est blessé !

Scène neuvième
Léila, Ivanhoé, blessé, soutenu par deux soldats qui se retirent.

Ivanhoé
Que faites-vous ici, Léila ? Fuyez votre ravisseur, je ne puis vous défendre.

Léila
(s’approchant de lui)
Vous abandonner en cet état, quand c’est pour moi que vous êtes exposé à la mort ! Laissez-moi panser votre blessure, peutêtre parviendrai-je à vous soulager.

Ivanhoé
Faut-il que sois hors de combat ! Si, du moins, je pouvais lever une hache d’armes, ne fût-ce que pour en frapper un seul coup ! Vœux superflus, je suis sans forces ; aidez-moi, je vous prie, à me traîner près de cette fenêtre, que je sois témoin...

Léila
Restez, chevalier, vous agraveriez votre blessure ; elle n’est pas dangereuse, vous serez bientôt rétabli ; mais le repos est nécessaire. Je vais m’y placer moi-même, et je vous rendrai compte de tout ce qui passera au dehors.

Ivanhoé
Je vous le défends, chaque ouverture va servir de point de mire aux archer. Léila, voudriez vous que j’eusse à me reprocher votre mort, que ce souvenir empoisonnât le reste de ma vie ? Du moins, couvrez-vous de cet ancien bouclier, et montrez-vous le moins possible.

Léila
(se couvrant du bouclier)
Ô spettacle horrible !

Ivanhoé
J’entends d’ici le bruit des armes, et il faut que je reste oisif ! Regardez les assiégeans, avancent-ils toujours ?

Léila
Je ne vois qu’une nuée de flèches ; mes yeux en sont éblouis. Ô ciel !

Ivanhoé
Parlez.

Léila
Nos défenseurs sont repoussés, le château est pris, je vois Boisguilbert sur les remparts.

Ivanhoé
Et que font donc nos vassaux ?

Léila
Tout est perdu, ils fuient.

FINAL

Léila
Hélas ! ô douleur !
Ô jour funeste !

Ivanhoé
(saissiant une épée)
Ce fer me reste.

Chœur
(en dehors)
Victoire ! honneur !
Il est vainqueur !

Léila
Moment terrible !
Quel trouble horrible
S’empare de mon cœur !

Ivanhoé
Aux tourmens que mon âme endure
Je préfère la mort.

Léila
Arrêtez ! je vous en conjure ;
Le crime est le plus fort.
Il n’est plus d’espérance.
Ah ! craignez leur vengeance,
Ou vous allez périr.

Ivanhoé
Je brave leur vengeance,
Je n’ai qu’une espérance :
Vous sauver, ou mourir.

Chœur
Craignez notre vengeance,
Oui, vous allez périr.

Scène dixième
Ivanhoé, Léila, Ismaël, soldats et plus tard Boisguilbert

Léila
Ô sort infidèle,
Tu tromps mon zèle ;
Ta rage cruelle
Accable mon cœur !
Ô crainte ! ô douleur !

Ismaël
Ô rage ! ô douleur !
Je me meurs de peur !

Léila
Mon père, craignez sa colère.
(a Ivanhoé)
Seigneur, ne m’abbandonnez pas.

Ivanhoé
Ô ciel ! je frémis de colère.
À sa voix n’obéissez pas.

Ismaël
Ma fille, évitons sa colère.
(a Ivanhoé)
Seigneur, ne m’abbandonnez pas.

Boisguilbert et Chœur
Tremblez, jeune téméraire ;
(a Léila)
Marchez, suivez nos pas.

Léila
Ô mon père, quelle souffrance !

Boisguilbert
Ne faites plus de résistance,
Ou craignez le trépas.

Léila
Ah ! plutôt que je périsse !

Boisguilbert
Allons, soldats, qu’on la saisisse !

Ivanhoé
Faut-il que le sort me trahisse,
Et qu’il enchaîne ainsi mon bras !

Ivanhoé, Léila et Ismaël
Dieu, comble mon attente !
Crains de ma/sa main pesante
La vengeance éclatante,
Indigne chevalier !

Boisguilbert
Cette victoire éclatante
Couronne mon attente ;
Dans ta rage impuissante
Tu peux me défier.

Chœur
Cette victoire éclatante
Surpasse notre attente :
Dans ta rage impuissante
Tu peux nous défier.

(Boisguilbert et les soldates se retirent et entraînent Léila.)

Atto Secondo

Le théâtre représente une salle du château de Saint-Edmond. Une fenêtre avec une plateforme extérieure, sans balustrade.
La scène se passe dans un donjon trés élevé.

Scène première
Léila, seule

Léila
J’ai vainement cherché, je ne vois aucune issue ; ces murailles épaisses, la hauteur effrayante de ce donjon, tout m’interdit l’espoir de la fuite.
Ah ! si le noble Cédric, si son fils pouvaient venir à mon secours !.. Mais que n’ai-je pas à redouter, avant qu’ils n’aient eu le temps de rassembler leurs vassaux dispersés par l’effroi ; et d’ailleurs comment les instruire du lieu où je suis enfermée ?.. Que vois-je ?.. mon père...Il me cherche, le ciel l’envoie pour me sauver... Mais, à une telle distance, il ne peut entendre ma voix... Ô bonheur ! il a vu mes signes ; écrivons :
„ Léila, fille d’Ismaël, au chevalier Wilfrid d’Ivanhoé. Chevalier, je suis prisonniére dans le château de St. Edmond... J’ose implorer votre secours, celui de vos Saxons !.. Mais non, vous êtes blessé !.. Daignez instruire de mon malheur le roi Philippe. Son armée est campée à une demi-journée de Rotherwood “.
Mon Dieu ! je sens que la vie me sera plus chère si je la dois au chevalier dont le souvenir réveille dans mon âme des sentimens si doux.

AIR

Ah ! mon âme en vain expère :
Pardonne-moi, Dieu de mon père !
Par un penchant involontaire,
Vers lui je me sens attirer.
Mais comment unir sur la terre
Ceux que le ciel doit séparer ?

Mais l’amour règne en mon âme,
Et triomphe du devoir.
En vain la raison me blâme :
Mon cœur brûle de te voir !
Ah ! viens, par ta présence,
Alléger ma souffrance,
Et me rendre à l’espoir !

Scène deuxième
Léila, Boisguilbert

Boisguilbert
Charmante Léila !

Léila
Qu’ai-je à craindre ? En veut-on à ma vie ?

Boisguilbert
A votre vie ! Dans des lieux où je commande en maître, qui oserait menacer vos jours ?

Léila
Pourquoi donc me retenir ici captive ? S’il vous faut une rançon, mon père...

Boisguilbert
L’amour et la beauté se chargeront de payer la seule rançon que j’exige.

Léila
Qu’osez-vous dire ? Que peut-il y avoir de commun entre vous et moi ?..

Boisguilbert
Sais tu que je puis te parler en maître ? Tu es ma captive ; je t’ai conquise avec la lance et l’épée, et tu es soumise à mes volontés...

Léila
Arrête ! Ta force peut l’emporter sur la mienne ; mais je proclamerai ta scélératesse d’un bout de l’Europe à l’autre : tes frères d’armes apprendront comment tu observes les sermens sacrés de la chevalerie.

Boisguilbert
Crois-tu pouvoir te faire entendre au delà des murs de ce donjon ? Tu n’en sortiras qu’à une seule condition. Sourmets-toi à ton destin, alors je te fais briller d’une telle magnificence, que les plus fière dames normandes céderont en éclat, comme en beauté, à la favorite de la meilleur lance de l’Angleterre.

Léila
Me soumettre à mon destin ! quel destin, juste ciel ! Toi le plus brave des chevalier anglais ! ta conduite est celle d’un lâche !.. Mais je ne te crains pas, grâce à celui qui a construit cette tour se élevée qu’un être animé ne peut en tomber sans perdre la vie.
(elle court vers la plateforme d’où elle est prête à s’élancer)

DUO

Boisguilbert
Que vois-je ? ô ciel !

Léila
Frémis, cruel !

Boisguilbert
Oui, sa menace
De mon audace
Suspend l’effort.

Léila
Son sang se glace ;
De son audace
Que peut l’effort ?

Boisguilbert
Elle me préfère la mort.

Léila
Oui, son aspect me rassure.

Boisguilbert
Ne craignez nulle injure,
De grâce, écoutez-moi !
Sur mon honneur, je vous le jure
Fiez-vous à ma foi !

Léila
Arrête, ou ta victime
S’élance dans l’abîme
Entr’ouvert sous ses pas

Boisguilbert
La crainte me guide :
Mon cœur s’intimide ;
Sa ruse perfide
L’enlève à mes bras !

Léila
C’est Dieu qui me guide :
J’échappe au perfide :
Mon âme timide
Brave le trépas.

Boisguilbert
Par la foi que j’ai jurée...

Léila
Qui, moi ! croire à ton serment !

Boisguilbert
Ôui, ma parole est sacrée !

Léila
Ô ciel ! et dans quel moment !

Boisguilbert
Crains le transport qui m’obsède !

Léila
C’est toi qui devrais frémir !

Boisguilbert
Écoute !

Léila
Jamais.

Boisguilbert
Viens ! Cède !..

Léila
Fuis, ou je saurai périr !

Boisguilbert
Un seul instant !

Léila
Ô mon père !

Boisguilbert
Vois l’abîme !

Léila
Ô mon père !

Boisguilbert
De mon amour téméraire
Redoute le dernier effort !

Léila
Je méprise ta colère,
Et je brave un vain transport.

Boisguilbert
Ô crainte ! ô tourment ! ô rage
Quoi ! la cruelle m’outrage !
Non, plus d’espoir ; son courage
Entre nous place la mort !

Léila
Que peut ton aveugle rage ?
Je ne crains aucun outrage,
Je t’échappe, et mon courage
Entre nous place la mort !

Boisguilbert
Mais qu’entends-je ?.. on vient ! ..Au nom du ciel, retirez-vous !

Léila, le voyant s’avancer vers elle, s’élance de nouveau vers la plateforme.

Boisguilbert
(effrayé, et reculant précipitamment vers l’extremité opposée)
Ne craignez rien, je n’approche pas ! que ce lieu vous cache aux regards.
(il ouvre une porte secrète)

Léila
(sortant)
Fasse le ciel que je n’aie point à me repentir de ma confiance !

Scène troisième
Boisguilbert, Malvoisin

Boisguilbert
Que venz-vous m’apprendre, Malvoisin ?
Pourquoi cette agitation ?

Malvoisin
C’est pour vous que je tremble, Boisguilbert. Malgré mes avis, vous avez persisté dans une entreprise dont je ne prévoyais que trop les dangers.

Boisguilbert
Que voulez-vous dire ?

Malvoisin
Excités par Maurice de Bracy, votre ennemi, tous les chevaliers murmurent contre vous. On demande quel motif a pu vous engager à attaquer le château de Cédric, au moment où nous devons oublier nos dissensions pour songer à repousser l’invasion de l’étranger.

Boisguilbert
En l’absence de Beaumanoir, je commande l’armée : depuis quand des soldats osent-ils censurer la conduite de leur chef ? Avons-nous besoin de ces vils Saxons pour chasser les ennemis ?

Malvoisin
Vous commandez l’armée, mais le marquis de Beaumanoir est attendu à l’expiration de la trève ; peut-être auriez-vous à vous justifier devant lui. Je ne savais comment conjurer cet orage, lors qu’un homme d’armes, de la compagnie du comte de Bracy, est venu lui apporter une lettre tombée du donjon, dans laquelle Léila invoque contre nous le secours des Saxons et des Français.

Boisguilbert
Eh bien ! achevez..

Malvoisin
Chevaliers, leur ai-je dit, apprenez qu’Ivanhoé est de retour de la croisade ; que cette musulmane est une esclave du roi de France ; que Philippe, sachat qu’elle est aimée d’Ivanhoé, l’a envoyée chez Cédric pour soulever contre nous les Saxons, et que notre digne chef, instruit de ce complot, s’est vu forcé d’employer la violence pour se rendre maître de l’instrument de leur perfidie.

Boisguilbert
Qu’avez-vous fait, Malvoisin ? Quoi ! sans me consulter..

Malvoisin
Le péril était pressant, il fallait vous disculper : de Bracy n’ignore pas l’amitié que le roi de France vous témoignait pendant la croisade. Craignez de lui donner cette arme contre vous.

Boisguilbert
Je la laisserais périr ! Malvoisin, ce conseil est celui d’un...

Malvoisin
(l’interrompant)
D’un ami qui vous rend un service dont vous sentirez plus tard l’iportance. C’était un mal nécessaire et que vous pourrez réparer. Il vous sera facile de la faire absoudre : vous êtes tout-puissant en l’absence de Beaumanoir.

Boisguilbert
Mais j’entends le clairon !

Malvoisin
Ô ciel ! Beaumanoir rentre dans le château.

Boisguilbert
Fatal retour !

Malvoisin
Ne perdez pas tout espoir ! Peut-être est-il temps encore ! Je cours !..
(il sort)

Scène quatrième
Boisguilbert, Léila

Boisguilbert
(courant à la chambre où est renfermée Léila)
Léila ! Léila ! un danger terrible vous menace !..

Léila
Quel autre ennemi que vous.. ?

Boisguilbert
Écoutez-moi : on vous accuse d’avoir profité de la trève pour vous introduire chez Cédric, et ménager des intelligences entre les Saxons et les Français.

Léila
Et quelle preuve avance-t-on pour soutenir une telle imposture ?

Boisguilbert
Une lettre tombée entre les mains d’un chevalier..

Léila
Ô ciel ! je causerais la perte de mon généreux défenseur !

Boisguilbert
(avec humeur)
Pensez à vous, Léila... Dans ces temps de guerre et de discorde, un soupçon de trahison est puni comme le crime : il n’y a qu’un instant, j’aurais pu prévenir le fatal arrêt ; mais Beaumanoir est de retour.

Léila
Dieu de mes pères !

Boisguilbert
Ne craignez rien, je veux vous sauver.

Léila
Vous !

Boisguilbert
Moi ; mais maintenant ce ne peut être que par la force, et j’accompagnerai votre fuite. Alors je suis dégradé, déshonoré, accusé de complicité avec les infidèles ; le nom illustre que je porte devient un titre de honte et de reproche ; et cependant j’oublie mon honneur, je renonce à ma renommée, je sacrifie l’avenier le plus brillant si vous consentez à me dire : Boisguilbert, je suis à vous.

Léila
Qui ? moi ! acheter à ce prix votre protection ? Ah ! je cours implorer la justice de votre général, il m’entendra !..

Boisguilbert
Oui, courez vous livrer à sa vengeance ; mais voici Malvoisin !..

Scène cinquième
Les précédens, Malvoisin

Boisguilbert
Eh bien ?

Malvoisin
Il n’etait plus temps ; de Bracy m’avait prévenu. Au moment où j’accourais au davant de Beaumanoir, j’ai entendu ces funestes paroles : ‘Lorsque les Français sont à nos portes, nous devons à tout prix contenir les Saxons dans le devoir, et prévenir, par un exemple rigoureux, mais nécessaire, les tentatives perfides de nos ennemis’. En un mot, par son ordre, le conseil vient de s’assembler, et la lettre fatale est sous les yeux des juges.

TRIO

Léila
Souffrance cruelle !
Angoisse mortelle !
Mon âme chancelle !
Je me sens mourir.

Boisguilbert et Malvoisin
Souffrance cruelle !
Angoisse mortelle !
Son âme chancelle !
Elle va périr.

Scène sixième
Les précédens, un chevalier, Chœur

Un chevalier
Suivez-nous, le conseil vous demande,
Qu’à son ordre à l’instant on se rende.

Léila
Plus d’espoir ! leur fureur sanguinaire
A déjà résolu mon trépas.
À la mort rien ne peut me soustraire !
C’en est fait, il faut suivre leur pas.

Boisguilbert et Malvoisin
Á la mort nous saurons vous soustraire !
Calmez-vous ! nous marchons sur vos pas !

Léila
Dieu puissant, toi qui vois ma détresse,
Daigne, hélas ! protéger ma faiblesse
Et désarme, à ma voix, ton courroux.

Boisguilbert et Malvoisin
Malgré moi j’ai causé sa détresse !
Léila, ne crains pas leur courroux.

Chœur
L’heure presse !
A l’instant suivez-nous.

Scène septième
Boisguilbert, Malvoisin

Boisguilbert
Que voulez-vous de moi ? Faut-il la laisser périr ? Je vais trouver Beaumanoir ; je brave sa puissance !..

Malvoisin
Arrêtez ! il paraît disposé à l’indulgence ; ne le forcez pas à user de rigueur.

Boisguilbert
Eh bien ! qu’ils prononcent leur sentence barbare ! Le jugement de Dieu cassera l’arrêt des hommes ! Je serai son champion, et nous verrons s’il est un chevalier en état de me disputer la victoire !

Malvoisin
Vous vous perdez sans la sauver ! Vous ne pouvez paraître dans la lice sans l’autorisation de votre général ; et vous la donnera-t-il pour combattre un de vos frères d’armes ? Vous ne feriez qu’éveiller ses soupçons. Au lieu de tout braver, employons la ruse : entrez en champ-clos pour la défendre ; mais la visière baissée, en chevalier qui cherche les aventures pour prouver la bonté de sa lance.

Boisguilbert
Oui, ce projet m’enchante ! Que Beaumanoir nomme son champion, d’un seul coup de lance je lui fais vider les arçons.
(en écrivant sur ses tablettes)
"Acceptez le secours de mon bras, Léila ; et ne refusez pas, au moins pour chevalier, celui que vous dédaignez pour amant"...Marchons.

(ils sortent)

Le théâtre change et représente une grande salle dans le château de Saint-Edmond.

Scène huitième
Le marquis Lucas de Beaumanoir occupe le tribunal ; plus bas sont assis les chevaliers. Il fait nuit ;
la salle du conseil est eclairée par des torches.

Chœur de chevaliers

Race infidèle.
Peuple rebelle,
L’ombre éternelle
Va t’engloutir !

Déjà, le glaive
Sur toi se lève !
ton sort s’achève,
Tu vas périr !

Dieu nous contemple ;
Donnons l’exemple
À l’unnivers.

Votre heure sonne,
La foudre tonne,
Tremblez, pervers !

Beaumanoir fait signe de ramener l’accusée devant ses juges ; elle rentre, et bientôt après paraissent Boisguilbert et Malvoisin.

Scène neuvième
Les précédens, Léila, Boisguilbert, Malvoisin, soldats

Beaumanoir
(debout)
„ Léila, musulmane, fille d’Ismaël, esclve du roi de France, convaincue de s’être chargée au près de Cédric d’une mission secrète de Philippe, tendante à soulever les Saxons contre les Normands et d’avoir renouvelé ses tentatives criminelles, dans une lettre adressée au chevalier Wilfrid d’Ivanhoé, où elle cherche à allumer contre nous la guerre civile et étrangère, aux termes des lois militaires, est condamnée à être brûlée vive. L’arrêt sera exécuté demain avant la sixième heure du jour. “

Léila et Malvoisin
Quel coup m’/l’accable !
Nuit effroyable !
Arrête coupable !
Sort implacable !
Moment d’horreur !

Dieu de clémence,
Vois ma/sa souffrance.
D’une sentence
Aussi cruelle
Ma/Sa voix appelle.
Sois mon/son vengeur.

Léila
Prends la défense
De l’innocence.

Chœur
Point de clémence !
Plus d’espérance !
La mort s’avance !
Tu vas périr !

(Pendant cette partie du morceau, Léila lit à la dérobée les tablettes, qui lui ont été remise par Boisguilbert.)

Léila
(en jetant son gant)
Dieu, j’en appelle à ta sentence !

Tous
Quelle espérance
Vient de s’offrir ?

Léila, Boisguilbert, et Malvoisin
Heureux présage !
Ce faible gage
Suspend leur rage,
Et le courage
Rentre en mon/son cœur.

Dieu de clémence,
Vois ma/sa souffrance.
D’une sentence
Aussi cruelle
Ma/Sa voix appelle.
Sois mon/son vengeur.

Chœur
Mais quel présage !
Ce faible gage
Calme l’orage,
Et le courage
Rentre en son cœur.

Dieu de vengeance,
Point de clémence !
De la sentence
Sa voix appelle.
De l’infidèle
Punis l’erreur !

Scène dixième
Les précédens, Ismaël

Malvoisin
Que vois-je ?

Ismaël
Ô transports !

Malvoisin
Ciel ! quel est ce mystère ?

Boisguilbert
Dieu ! son père ! ô remords !
Comptez sur mes efforts !

Léila
Fuyez, je vais mourir, mon père !

Ismaël
Ah ! barbares, voyez ma misère !
Rendez-la moi !

Léila
La flamme est prête, adieu !

Boisguilbert
Que votre cœur espère :
Mon sang éteindra le feu !

Beaumanoir
(faisant porter le gant à Boisguilbert)
Boisguilbert, l’infidèle,
A notre arrêt rebelle,
A Dieu même en appelle :
Sois notre défenseur !

Boisguilbert
Qui, moi ! lâche complice
D’un injuste supplice,
J’entrerais dans la lice ?
Pour moi quel déshonneur !

Beaumanoir
Combats, que ta vaillance
Rachète ton erreur !

Malvoisin
(prenant le gant présenté a Boisguilbert)
Craignez de leur vengeance
L’implacable fureur !

Chœur
Oui, prend notre défense,
Illustre commandeur !

Ismaël
Gran Dieu, vois ma détresse !

Léila
Je cède à ma douleur !

Malvoisin
(regardant Boisguilbert)
Le trouble qui l’oppresse
Me glace de terreur !

Léila
Injuste arrête ! ô fatale rigueur !

Léila, Boisguilbert, Malvoisin, et Ismaël
Dieu de clémence,
prends notre défense.
Vois mon/son innocence,
Et dans ma/sa souffrance
Daigne me/la secourir !

Chœur
Tremblez ! la mort s’avance !
Vous allez périr !
Vengeance !

Léila
Je vais périr !

Fine

copyright ItalianOPERA ©