TESTO DEL LIED

"Quand ce beau Printemps je vois"
di Pierre de Ronsard (1524-1585)

Quand ce beau Printemps je vois,
J'aperçois
Rajeunir la terre et l'onde
Et me semble que le jour,
Et l'Amour,
Comme enfants naissent au monde.
Le jour qui plus beau se fait,
Nous refait
Plus belle et verte la terre,
Et Amour armé de traits
Et d'attraits,
Dans nos coeurs nous fait la guerre.
Il répand de toutes parts
Feux et dards
Et dompte sous sa puissance
Hommes, bestes et oiseaux,
Et les eaux
Lui rendent obeïssance.


Vénus avec son enfant
Triomphant,
Au haut de son coche assise,
Laisse ses cygnes voler
Parmi l'air
Pour aller voir son Anchise.

Quelque part que ses beaux yeux
Par les cieux
Tournent leurs lumières belles,
L'air qui se montre serein
Est tout plein
D'amoureuses étincelles.
Puis en descendant à bas
Sous ses pas
Croissent mille fleurs écloses;
Les beaux lis et les oeillets
Vermeillets
Y naissent entre les roses.


Je sens en ce mois si beau
Le flambeau
D'Amour qui m'échauffe l'âme,
Y voyant de tous côtés
Les beautés
Qu'il emprunte de ma Dame.
Quand je vois tant de couleurs
Et de fleurs
Qui émaillent un rivage,
Je pense voir le beau teint
Qui est peint
Si vermeil en son visage.
Quand je vois les grand rameaux
Des ormeaux
Qui sont lacés de lierre,
Je pense être pris és lacs
De ses bras,
Et que mon col elle serre.


Quand j'entends la douce voix
Par les bois
Du gai rossignol qui chante,
D'elle je pense jouir
Et ouïr
Sa douce voix qui m'enchante.
Quand Zéphyre mène un bruit
Qui se suit
Au travers d'une ramée,
Des propos il me souvient
Que me tient
La bouche de mon aimée.
Quand je vois en quelque endroit
Un pin droit,
Ou quelque arbre qui s'élève,
Je me laisse décevoir,
Pensant voir
Sa belle taille et sa grève.


Quand je vois dans un jardin,
Au matin,
S'éclore une fleur nouvelle,
J'accompare le bouton
Au teton
De son beau sein qui pommelle.


Quand le Soleil tout riant
D'Orient
Nous montre sa blonde tresse,
Il me semble que je voi
Près de moi
Lever ma belle maîtresse.


Quand je sens parmi les prés
Diaprés
Les fleurs dont la terre est pleine,
Lors je fais croire à mes sens
Que je sens
La douceur de son haleine.



Bref, je fais comparaison,
Par raison,
Du printemps et de m'amie;
Il donne aux fleurs la vigueur,
Et mon coeur
D'elle prend vigueur et vie.


Je voudrais au bruit de l'eau
D'un ruisseau,
Déplier ses tresses blondes,
Frisant en autant de noeuds
Ses cheveux.
Que je verrais friser d'ondes.
Je voudrois, pour la tenir,
Devenir
Dieu de ces forêts désertes,
La baisant autant de fois
Qu'en un bois
Il y a de feuilles vertes.
Hà! maîtresse, mon souci,
Viens ici,
Viens contempler la verdure!
Les fleurs de mon amitié
Ont pitié,
Et seule tu n'en as cure.
Au moins lève un peu tes yeux
Gracieux,
Et vois ces deux colombelles,
Qui font naturellement,
Doucement
L'amour du bec et des ailes.
Et nous, sous ombre d'honneur,
Le bonheur
Trahissons par une crainte:
Les oiseaux sont plus heureux
Amoureux,
Qui font l'amour sans contrainte.
Toutefois ne perdons pas
Nos ébats
Pour ces lois tant rigoureuses;
Mais, si tu m'en crois, vivons,
Et suivons
Les colombes amoureuses.

Pour effacer mon émoi,
Baise-moi,
Rebaise-moi, ma Déesse!
Ne laissons passer en vain
Si soudain
Les ans de notre jeunesse.