TESTO DEL LIED

"Approche-toi de mon oreille Épanches-y"
di Paul Verlaine (1844-1896)

Certes, si tu le veux mériter, mon fils, oui,
Et voici. Laisse aller l'ignorance indécise
De ton coeur vers les bras ouverts de mon Église
Comme la guêpe vole au lis épanoui.

Approche-toi de mon oreille Épanches-y
L'humiliation d'une brave franchise
Dis-moi tout sans un mot d'orgueil ou de reprise
Et m'offre le bouquet d'un repentir choisi.

Approche-toi de mon oreille... J'ai peur, Seigneur...

Puis franchement et simplement viens à ma table,
Et je t'y bénirai d'un repas délectable
Auquel l'ange n'aura lui-même qu'assisté,
Et tu boiras le Vin de la vigne immuable
Dont la force, dont la douceur, dont la bonté
Feront germer ton sang à l'immortalité.
Puis, va! Garde une foi modeste en ce mystère
D'amour par quoi je suis ta chair et ta raison,
Et surtout reviens très souvent dans ma maison,
Pour y participer au Vin qui désaltère,
Au Pain sans qui la vie est une trahison,
Pour y prier mon Père et supplier ma mère
Qu'il te soit accordé, dans l'exil de la terre,
D'être l'agneau sans cris qui donne sa toison,
D'être l'enfant vêtu de lin et d'innocence,
D'oublier ton pauvre amour-propre et ton essence,
Enfin, de devenir un peu semblable à moi
Qui fus, durant les jours d'Hérode et de Pilate
Et de Judas et de Pierre, pareil à toi
Pour souffrir et mourir d'une mort scélérate!

Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
Si doux qu'ils sont encor d'ineffable délices,
Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
La paix du coeur, l'amour d'être pauvre, et mes soirs
Mystiques, quand l'esprit s'ouvre aux calmes espoirs
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
Eternel, et qu'au ciel pieux la lune glisse,
Et que sonnent les angelus roses et noirs,
En attendant l'assomption dans la lumière
L'éveil sans fin dans ma charité coutumière,
La musique de mes louanges a jamais,
Et l'extase perpétuelle et la science,
Et d'être en moi parmi l'aimable irradiance
De tes souffrances, enfin miennes, que j'aimais.