TESTO DEL LIED

"Le cygne"
di Jules Renard (1864-1910)

Il glisse sur le bassin, comme un traîneau blanc,
du nuage en nuage. Car il n'a faim que des nuages floconneux
qu'il voit naître, bouger, et se perdre dans l'eau.
C'est l'un d'eaux qu'il désire.
Il le vise du bec, et il plonge tout
à coup son vol vêtu de neige.
Puis, tel un bras de femme sort d'une manche, il le retire.
Il n'a rien. Il regarde: les nuages effarouchés ont disparu.
Il ne reste qu'un instant désabusé,
car les nuages tardent peu à revenir,
et, là-bas, où meurent les ondulations de l'eau,
en voici un qui se reforme.
Doucement, sur son léger coussin de plumes,
le cygne rame et s'approche . . .
Il s'épuise à pêcher de vains reflets,
et peut-être qu'il mourra, victime de cette illusion,
avant d'attraper un seul morceau de nuage.
Mais qu'est-ce que je dis? Chaque fois qu'il plonge,
il fouille du bec la vase nourrissante et ramène un ver.
Il engraisse comme une oie.