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Couperin

François II (Dit le grand)
Né à Paris le 10 octobre 1668
Mort le 11 septembre 1733

 
Français

Couperin

10 novembre 1668

François Couperin naît à Paris.

1685

Il succède à Michel Richard Delalande à l’orgue Clicquot de l’église Saint-Gervais de Paris.

1690

Il compose des Pièces d’orgue consistantes en deux Messes et fait entendre, sous un pseudonyme italien, la première sonate en trio écrite en France à l’imitation d’Arcangelo Corelli.

1691

Il devient claveciniste du roi.

1693

Il succède à Jacques Thomelin comme organiste de la chapelle royale.

Entre 1713 et 1717

Il écrit la musique de l’ensemble des trois journées pendant lesquelles sont célébrés les offices de ténèbres.

Entre 1713 et 1730

Il publie, en quatre livres, 221 pièces de clavecin regroupées en 27 « Ordres ».

1716

Il publie un important traité, L’Art de toucher le clavecin.

1722

Il fait éditer Quatre Concerts royaux, pour petit ensemble instrumental.

1724

Dix autres concerts royaux sont édités sous le titre Les Goûts réunis.

11 septembre 1733

François Couperin meurt à Paris.

 

Prise de vue

Le nom de Couperin s’attache d’abord à une lignée, presque aussi longue dans l’histoire que celle des Bach. Le premier Couperin musicien, Mathurin, apparaît dans les documents en 1586, à peu près à la même époque que le meunier Veit Bach, amateur de cithare ; et la famille s’éteint avec Céleste Thérèse Couperin, organiste à Saint-Gervais, qui meurt en 1860, quinze ans après Wilhelm Friedrich Ernst Bach, Kapellmeister à la cour de Prusse.

Le premier Couperin organiste fut Charles (1595-1654), qui touchait les orgues de Chaumes-en-Brie ; il était parent d’autres musiciens de la région, ou allié à beaucoup d’entre eux. Trois de ses fils s’installèrent à Paris vers le milieu du XVII e siècle. La tradition veut que les trois jeunes gens, Louis, François et Charles, se soient présentés en 1650 à la propriété que Jacques Champion de Chambonnières , claveciniste du roi, possédait près de Chaumes, afin de lui donner une aubade à l’occasion de sa fête. Seul Louis retient l’attention et fera une grande carrière.

Ses deux frères, François et Charles, n’ont pas laissé de compositions : le premier fut un excellent pédagogue ; le second, qui reçut la « survivance » de son frère aîné à Saint-Gervais, mourut au début de 1679, laissant un petit orphelin de onze ans, François Couperin, dit le Grand.

L’état de musicien

François Couperin est né le 10 novembre 1668, dans la maison de fonction des organistes qu’occupait son père, près de Saint-Gervais. Lorsque celui-ci mourut, l’enfant devait avoir déjà un talent prometteur, pour que le conseil paroissial s’engage à lui accorder la survivance dès qu’il aurait dix-huit ans. Michel Richard Delalande accepta de prendre, à titre provisoire, la charge d’organiste, pour garder la place au jeune François et la lui donner quand il serait en âge de l’occuper. Mais, dès 1685, il remettait les illustres claviers aux mains de celui qui devait déjà apparaître comme un jeune maître. Cinq ans plus tard – à vingt-deux ans –, Couperin donne sa première composition, un chef-d’œuvre, son livre d’orgue. Le jeune Couperin semble fréquenter les milieux italianisants de la capitale. Aux environs de 1692, il fait entendre, sous un pseudonyme italien, sa première sonate en trio (la première qui ait été composée en France). À la mort de Jean Henry d’Anglebert, en 1691, il devient claveciniste du roi. En 1693, le roi le choisit pour toucher l’orgue de la Chapelle royale ; un an plus tard, il est nommé maître de clavecin des Enfants de France : il aura, entre autres, le duc de Bourgogne pour élève. Il ne cesse d’aller et de venir entre Versailles et Paris, compose pour la Cour, pour la haute société parisienne, pour la Chapelle royale, pour l’abbaye de Maubuisson, où sa fille Marie Madeleine est religieuse ; il donne des leçons, fait de son autre fille, Marguerite Antoinette, une claveciniste de talent, qui sera plus tard, à son tour, maître de clavecin des Enfants de France, et aura pour élèves les filles de Louis XV. La fin de la vie de Couperin a été attristée par la maladie qui semble l’avoir accablé durant des années. Il abandonne peu à peu toutes ses charges et laisse, notamment, l’orgue de Saint-Gervais à son cousin Nicolas Couperin. Il meurt à Paris le 11 septembre 1733.

Cette vie simple, cette carrière sans luttes, aux ambitions modestes, cachent un homme plus complexe qu’il n’y paraît. La mesure, la délicatesse qui constituent ses qualités dominantes recouvrent une sensibilité très vive et très fine, une passion contenue, un raffinement de l’esprit et du cœur, une grande exigence aussi, pour lui et pour les autres : ses élèves le trouvaient sévère, la fantaisie discrète qui règne dans son œuvre n’affectant guère, en lui, le professeur. Et, pourtant, quel charme, quelle séduction réelle...

Couperin est l’homme de l’intimité. Aucune de ses œuvres n’exige un effectif supérieur à quelques musiciens : ce qu’il écrit à l’intention de la Chapelle royale, ce ne sont pas des grands motets pour chœur, solistes, orchestre et orgue, comme Delalande, son collègue à Versailles ; ce sont de petites pièces pour une ou deux voix. Rien pour le théâtre, rien pour l’orchestre : des sonates pour deux ou trois instruments, des concerts de chambre, d’innombrables pièces pour le clavecin.

Couperin est un homme complexe. À dire vrai, c’est peut-être là que réside son génie : il sent tout et, discrètement, fait la synthèse de forces divergentes, les unissant, avec le sourire, dans sa propre création. Ainsi, sur le plan esthétique, se pose-t-il ouvertement en médiateur, aspirant à construire la paix entre le style français et le style italien...

Les messes d’orgue

La première œuvre signée François Couperin (il ajoute : sieur de Crouilly) est donc composée de Pièces d’orgue consistantes en deux messes : « à l’usage ordinaire des paroisses », « propre pour les convents de religieux et religieuses ». Ce bref recueil, daté de 1690, constitue, avec le livre unique de Nicolas de Grigny (1699), le sommet de l’école française d’orgue.

L’orgue français est nettement individualisé dans l’Europe de ce temps. D’abord par la facture des instruments. Il s’oppose à la fois à l’orgue italien, clair, très fin, un peu terne, et à l’orgue de l’Allemagne du Nord, riche, puissant, varié. Il est avant tout haut en couleur. Il lui faut des jeux solistes bien caractérisés, des anches, des cornets, des tierces, bien tranchés et bigarrés sans être criards. Il lui faut un plein-jeu riche et éclatant. Alors seulement l’art des compositeurs français et les instruments sur lesquels ils jouent se correspondent et se renforcent.

Lorsque Couperin, tout jeune, publie son livre d’orgue, il ne songe pas à s’écarter du style et du cadre élaborés par ses aînés, Jehan Titelouze (1562 ou 1563-1633), François Roberday (1624-1680), Guillaume Nivers (1632 env.-1714), Nicolas Lebègue (1631 env.-1702), André Raison (avant 1650-1719), Jean Henry d’Anglebert (1629-1691). Au premier, il emprunte ses grands pleins-jeux, sévères et somptueux, où un thème de plain-chant sonne en valeurs longues ; aux autres, leurs manières de diversifier l’écriture en s’inspirant de la suite, de la fantaisie, voire de l’opéra (les « récits »). Ainsi, les messes de Couperin juxtaposent de grands pleins-jeux où, sur une basse ou sur une taille (ténor) donnée aux jeux d’anches, les deux claviers tissent un contrepoint serré, des pièces en duo ou en trio, plus légères, plus vives, au rythme parfois très proche de la danse, et des récits où un jeu soliste (cornet, cromorne, bourdon) déroule une mélodie méditative.

Mais le jeune François Couperin transfigure les formes dont il a hérité ; il se distingue de ses contemporains par la profondeur de la pensée musicale, par sa merveilleuse adaptation à l’instrument et à ses sonorités, par la chaleur de son inspiration.

La musique vocale

Les fonctions de Couperin, organiste du roi, ne l’obligeaient pas à composer de la musique vocale pour la Chapelle. Néanmoins, il nous a laissé une série de petits motets intimes : presque aucun chœur ; trois voix parfois, une ou deux le plus souvent, et avec une prédominance de la voix de soprano (sa cousine Marguerite Louise était chanteuse et se produisait à la Cour).

Après le Laudate pueri Dominum, recueilli par André Philidor en 1697, et le motet pour la sainte Suzanne Veni sponsa Christi, copié par Sébastien de Brossard, une série de versets ont été imprimés en 1703, 1704 et 1705 ; les autres (une vingtaine) figurent dans deux recueils manuscrits. Œuvres intimes, courtes (chaque verset est isolé), accompagnées parfois par les violons, les flûtes et les hautbois, où l’émotion tente de s’exprimer par des moyens délicats, une harmonie subtile et riche, et des effets originaux de couleur instrumentale (par exemple dans le Qui dat nivem, pour soprano, deux flûtes et violon, sans basse, de 1703, dont la texture légère tente d’évoquer les flocons de neige, avec une délicatesse prédebussyste). Quelques motets prétendent à plus d’ampleur (Audite omnes et expanescite, pour haute-contre, deux violons et basse continue, le grand Salve Regina, ou le O Domine quia refugiam, pour trois voix d’hommes dans le grave et basse continue), mais tous restent dans une atmosphère confidentielle d’effusion religieuse qui n’est pas sans rappeler le quiétisme de Fénelon et de M me Guyon.

Cette musique tout intérieure convient à Couperin ; elle trouvera son plus parfait achèvement beaucoup plus tard, entre 1713 et 1717, dans les Trois Leçons de ténèbres pour le Mercredy Saint. L’office de ténèbres, avec l’admirable texte des « Lamentations de Jérémie », l’un des plus beaux poèmes de la Bible, avait déjà inspiré nombre de musiciens polyphonistes aussi divers que Guillaume Dufay, Claudin de Sermisy, Roland de Lassus, Tomás Luis de Victoria, Palestrina, Cristóbal de Morales, William Byrd, Thomas Tallis... En France, les Leçons de ténèbres furent traitées dans le style monodique qu’avaient déjà adopté en Italie Giacomo Carissimi, Girolamo Frescobaldi et Alessandro Stradella. Michel Lambert les enrichit en 1662 des caractéristiques ornementales et expressives du chant français, utilisant en particulier de grandes vocalises pour les lettres hébraïques qui commencent traditionnellement chaque verset. Marc Antoine Charpentier, Michel Richard Delalande, Gabriel Nivers, Sébastien de Brossard reprendront ce schéma sans en modifier vraiment la structure. Couperin, pour sa part, en simplifie les données, et parvient à allier un récitatif d’une infinie souplesse à des vocalises expressives, où la variété des rythmes et des harmonies servent une émotion intime, profondément spirituelle. Sans effets appuyés, par le simple déroulement d’une voix de soprano ou d’un duo accompagné par l’orgue et la viole de gambe, voici la musique la plus pathétique, la plus bouleversante qui soit sortie de la plume de ce musicien poète et contemplatif.

La musique de chambre

Couperin a pratiqué la musique de chambre durant toute sa vie. Ses premières œuvres accusent une influence très forte de l’Italie, au point que la première sonate a pu être jouée sous un nom d’emprunt italien. De fait, écrire vers 1692 une sonate en trio, c’était imiter la nouveauté italienne. Cette sonate (dénommée La Pucelle, la première composée en France) sut plaire ; elle fut suivie, en quelques années, de cinq autres titres d’une fantaisie bien dans la manière de Couperin : La Steinquerque (du nom de la bataille qui déchaîna en 1692 à Paris un enthousiasme délirant), La Visionnaire, L’Astrée, La Sultane – en quatuor – et La Superbe. Il demeure encore peut-être quelque naïveté dans les deux premières pièces. Mais, dès les suivantes, on sent qu’il s’agit de tout autre chose que d’un plagiat de Corelli par un débutant : le message italien est déjà totalement assimilé, intériorisé, traduit. Une longue période sépare ces six sonates de la septième, L’Impériale, dont la composition peut se situer entre 1714 et 1726, œuvre d’une grande noblesse d’inspiration et d’une admirable fermeté d’écriture.

En 1726, Couperin rééditera trois de ses anciennes sonates (La Pucelle, La Visionnaire et L’Astrée) sous de nouveaux titres (La Françoise, L’Espagnole, La Piémontoise) ainsi que L’Impériale, en les complétant chacune d’une suite à la française. Les sonates à l’italienne constituent ainsi des sortes de préludes à ces suites nouvelles – qui forment le recueil des Nations  –, et cette publication est une manière de mettre en pratique la réunion des « goûts » français et italien, qui, entre-temps, ont fait l’objet d’une série d’œuvres placées sous le signe des « goûts réunis ».

En 1722, Couperin a publié quatre Concerts royaux. « Je les avais faits, dit-il, pour les petits concerts de chambre où Louis XIV me faisait venir presque tous les dimanches de l’année. » Écrits pour un petit ensemble (violon, flûte, hautbois, basse de viole, basson et clavecin), ce sont des suites à la française, où un prélude introduit une série de danses dans l’ordre traditionnel. De fait, l’esprit et l’écriture de ces courts morceaux sont fort loin de l’italianisme des sonates. Tout est français ici de conception, et pourtant il est évident que le langage de Couperin s’est élargi et assoupli au contact de l’Italie. Couperin en a si fort conscience qu’il intitule les dix concerts suivants, édités en 1724, Les Goûts réunis. Le huitième concert, Dans le goût théâtral, est tout lullyste d’allure, tandis que le neuvième, Ritratto dell’amore, est entièrement dominé par l’Italie.

Cette synthèse voulue et consciente apparaît encore plus nettement dans deux œuvres à la fois sérieuses et plaisantes, que Couperin intitule, la première, Le Parnasse, ou l’Apothéose de Corelli, et la seconde, Concert instrumental sous le titre d’Apothéose composé à la mémoire immortelle de l’incomparable Monsieur de Lulli (l’emphase de ce titre n’est pas sans une affectueuse ironie à l’égard du superbe surintendant...). L’Apothéose de Corelli est une grande sonate en trio, plus élaborée que les précédentes, dont chaque mouvement conte un épisode de l’arrivée de Corelli au Parnasse et de son accueil par Apollon et les neuf Muses. Mais L’Apothéose de Lulli est plus significative encore : c’est tout un programme de politique musicale que Couperin nous communique, en souriant, comme toujours. On voit d’abord Lully accueilli au Parnasse par Apollon ; puis la Rumeur souterraine, causée par les auteurs contemporains de Lulli (dans un style italianisant : ce qui en dit long sur la nature de ces jaloux) ; l’Accueil entre doux et hagard fait à Lulli par Corelli et les muses italiennes, le Remerciement de Lulli à Apollon : Couperin s’amuse visiblement à un double pastiche, faisant parler chacun des deux compositeurs dans son propre style. Puis Apollon persuade Lulli et Corelli, que la réunion des goûts français et italien doit faire la perfection de la musique. Un essai en forme d’ouverture est tenté ; dans un duo de violons, Corelli accompagne Lully; puis Lully, Corelli (toujours dans un amusant pastiche) ; enfin, on célèbre La Paix du Parnasse dans une grande sonate en trio, qui allie le goût italien (c’est exactement une sonata da chiesa en quatre mouvements) et le goût français.

La conscience qu’avait Couperin d’être au croisement de deux cultures, de les réunir en lui, d’être capable d’en faire la synthèse, est remarquable ; elle participe de ce grand mouvement du baroque européen auquel, à leur manière, concourent Telemann et même Jean-Sébastien Bach.

La musique de chambre de Couperin se clôt par deux suites de Pièces de violes (pour deux violes et basse chiffrée), qu’il a composées à la fin de sa vie et qui sont particulièrement attachantes par leur qualité d’inspiration. L’intimisme et la poésie y sont renforcés par la gravité du ton, et aussi par le registre des deux instruments, fait de douceur et de sérénité : s’en détachent particulièrement la Sarabande grave de la première suite et la Pompe funèbre de la seconde.

Les pièces de clavecin

Quatre livres, publiés en 1713, 1717, 1722 et 1730, plus un traité, L’Art de toucher le clavecin (1716), qui contient une allemande et huit préludes non mesurés ; en tout deux cent trente-trois pièces, groupées en vingt-sept « ordres » : voilà ce qui, de son temps, a constitué l’essentiel de la gloire de Couperin. C’est dans ce domaine, en effet, qu’il a livré son message le plus personnel.

Ce que Couperin appelle « ordres », ce sont en fait des suites, mais traitées avec tant de désinvolture qu’on les appellerait « désordres » avec autant de vraisemblance : on y trouve de quatre à vingt-trois pièces, sans autre lien qu’une atmosphère commune (à partir du Deuxième Livre surtout), un lien ténu et subtil, mais qui s’impose.

Le Premier Livre (du 1 er au 5 e ordre), publié en 1713, contient des pièces qui, durant des années, avaient été jouées par Couperin, avaient circulé en manuscrit et assuré le succès de leur auteur. Plus légers, plus disparates, on pourrait appeler ces ordres les « ordres mondains ». On y trouve les éléments d’une suite : allemande, une ou deux courantes, sarabande, gigue, et quelques autres danses (gavotte et menuet). Mais déjà s’y ajoutent des pièces libres, pourvues d’un titre, qui ne se rattachent à aucune forme ni à aucun genre existant, et qui parfois évoquent le théâtre.

Au Deuxième Livre (du 6 e au 12 e ordre, 1717), l’étoffe se resserre. La forme de l’ordre recherche un équilibre. Celui-ci prend son autonomie par rapport à la suite, parfois respectée – comme dans le huitième ordre, où se succèdent deux allemandes, deux courantes, une sarabande, une gavotte, un rondeau, une gigue, une ample passacaille, une seconde gigue (La Morinète est une gigue qui ne dit pas son nom) –, parfois au contraire totalement oubliée – comme dans le sixième ou le septième ordre, dans lesquels se succèdent uniquement des pièces libres, tableaux de genre et portraits. Mais le Deuxième Livre se distingue aussi du premier par plus de sérénité, de grandeur, et aussi par une grâce intérieure un peu rêveuse.

Le Troisième Livre, de 1722, du treizième au dix-neuvième ordre, est plus poétique, plus gracieux, plus pittoresque. Le ton s’allège. L’écriture se fait souvent plus ténue, plus virtuose ; elle se rapproche même étrangement, parfois, de celle de Scarlatti.

Le Quatrième et dernier Livre (huit ordres), daté de 1730, à certains moments amer et désabusé, à d’autres léger, badin, moins intérieur, plus « dix-huitième », contient des pages d’une facture serrée, et souvent d’un ton grave, discrètement douloureux (La Mistérieuse, Les Ombres errantes, La Convalescente, L’Épineuse...).

La structure des pièces de Couperin oscille entre deux formes : la structure binaire (AAHBBH), employée généralement dans les danses (sauf la passacaille et la chaconne), et le rondeau, couplets et refrains alternés (ABACA, etc.). Cette dernière formule, de plus en plus fréquente à mesure que Couperin vieillit, en arrive à se compliquer, comme dans L’Épineuse (26 e ordre), constituée de deux rondeaux imbriqués l’un dans l’autre (ABACADAABAA). Cette prédilection pour le rondeau, particulière à Couperin, est une marque de son esprit, et correspond bien au goût français : celui de la concision. Pas de longs développements, mais un retour obligé du refrain qui assure la continuité. Goût aussi de la métamorphose baroque, mais dans cette manière française où l’art de la variation est tempéré par l’alternance des couplets et du refrain.

La plupart des pièces de Couperin sont pourvues d’un titre. Il n’était pas le premier à en user ainsi : les luthistes, déjà, baptisaient les allemandes et les sarabandes de leur suites. « J’ai toujours eu un objet en composant toutes ces pièces, écrit Couperin dans la préface du Premier Livre  : des occasions différentes me l’ont fourni, ainsi les titres répondent aux idées que j’ai eues... Ce sont des espèces de portraits qu’on a trouvés quelquefois assez ressemblants sous mes doigts. » Certains de ces titres sont de simples dédicaces : à un musicien (La Forqueray , du nom de ce violiste virtuose, avec qui Couperin travailla souvent), à un grand personnage (La Conti, La Verneuil) et bien souvent à ses augustes élèves (La Princesse de Chabeüil, La Ménetou, jeunes filles de haute noblesse, mais dont nous savons qu’elles furent de remarquables musiciennes). Dans quelle mesure ces dédicaces sont-elles aussi des portraits musicaux ? Il est difficile de répondre. D’autres pièces ont pour titre un caractère musical : La Ténébreuse, La Lugubre, La Badine, L’Ingénüe, L’Enjouée, L’Attendrissante... Et quelquefois les deux : L’Étincelante, ou la Bontems.

La Rafraîchissante , La Fringante, La Galante, La Séduisante, L’Insinuante : qui sont ces jeunes personnes ? Personne peut-être, ou quelqu’un, qui sait ? Mais tous ces adjectifs, Couperin les a voulus au féminin. Ils entretiennent une exquise ambiguïté, qui est une poésie de plus. Et que dire de La Belle Javotte, de L’Aimable Thérèse, de La Mimi, de La Babet, de La Divine Babiche, de La Douce Janneton ?...

D’autres titres évoquent des tableaux, de la nature en particulier. Mais ne les prenons pas trop à la lettre, eux non plus. La nature n’est pas, au début du XVIII e siècle, ce qu’elle sera après Rousseau et le romantisme : elle est toujours sentie, à cette époque, comme élément culturel autant que naturel.

D’autres titres sont un programme : Le Rossignol en amour, Les Satires, chèvrepieds, La Linote efarouchée, Le Carillon de Cithère... Certains, enfin, sont de petites comédies en plusieurs actes : Les Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx (lire : Ménestrandise) racontent les démêlés des musiciens du roi avec la corporation des ménestriers ; Les Folies françaises, ou les Dominos sont une sorte de commedia dell’arte, ou de carnaval (au sens schumannien du mot), où les « caractères de l’Amour » apparaissent tour à tour sous un déguisement musical.

Ces titres, concrets et précis ou seulement poétiques, ne doivent pas nous abuser. Malgré ce que nous en dit Couperin, ce ne sont pas des « sujets » ; il s’agit tout au plus de commentaires, de suggestions, d’allusions, de rapprochements. Poésie ils sont, poésie ils doivent demeurer pour nous, et rien de plus.

Le style de Couperin est d’une extraordinaire diversité. Dans ce cadre réduit, limité, rarement développé, sur cet instrument discret et que certains trouvent froid, Couperin use de tous les tons, de toutes les grammaires, de tous les langages. On y trouvera la gravité, le contrepoint serré, dans certaines allemandes en particulier ; de simples chansons, à deux voix, d’un ton à peine plus soutenu que celui d’un « vaudeville » ou d’une « brunette » : certains de ces airs ont d’ailleurs été connus et publiés sous forme de chansons antérieurement à leur affectation au clavecin (Les Pèlerines). Quelques pièces, d’une écriture brillante et virtuose, font penser à Scarlatti. D’autres ont, fugitivement, la rigueur d’une invention ou d’un prélude de Bach (La Convalescente). Couperin se veut parfois purement poète, soit dans l’évocation du sentiment ou de l’état d’âme (L’Âme en peine, Les Langueurs tendres), soit dans celle de la nature (Les Lis naissans, Le Rossignol en amour), mais presque toujours avec cette manière inimitable de manier la litote, l’art de dire beaucoup avec les moyens les plus limités.

Pour écouter Couperin, il faut être très attentif. Il ne se donne pas, il ne s’offre pas, il se prête – et seulement à qui le cherche. À les lire, ou à les écouter superficiellement, ses pièces peuvent parfois paraître de petites choses un peu maigres, un peu pauvres. L’harmonie n’en est pas tapageuse, elle semble couler de source, sans effets recherchés : et pourtant, que de subtilité dans la manière dont s’enchaînent les accords, dont les dissonances, à peine effleurées, glissent les unes sur les autres... L’un des procédés d’écriture préférés de Couperin est le style luthé (héritier de la technique du luth). Pas de masses ni d’accords, chaque note se frappe isolément, la polyphonie éclate dans l’espace sonore : et cette musique, pourtant strictement écrite, semble éparpiller les sons au hasard de la fantaisie.

Philippe Beaussant

Conseillé artistique du centre de musique Baroque de Versailles

Concert « dans le goût théâtral »

  • Ouverture
  • Grande ritournelle
  • Noblement
  • Air tendre
  • Air léger
  • Loure
  • Air Animé
  • Sarabande
  • Air léger
  • Air tendre
  • Air de bacchantes

Musifrance

Le Parnasse

ou l’Apothéose de Corelli

  • Corelli au pied du Parnasse prie les muses de la recevoir parmi elles.
  • Corelli charmé de la bonne réception qu’on lui fait au Parnasse, en marque de joie. Il continue avec ceux qui l’accompagnent.
  • Corelli buvant à la source d’hypocrêne. Sa troupe continue.
  • Enthousiasme de Corelli causé par les eaux d’hypocrène.
  • Les muses réveillent Corelli, et le placent auprès d’Apollon.
  • Remerciement de Corelli.

Musifrance

Composé à la mémoire immortelle de l’incomparable Monsieur de Lully

  • Lulli au Champs Elysés ; concertant avec les Ombres lyriques
  • Air pour le même
  • Vol de Mercure aux champs Elysés, pour avertir qu’Apollon y va descendre.
  • Descente d’Apollon : qui vient offrir son violon a Lully et sa place au Parnasse
  • Rumeurs souterraines ; causées par les auteurs contemporains de Lully
  • Plainte des même : pour les flûtes, ou les violons très adoucis
  • Enlèvement de Lully au Parnasse
  • Accueil entre-doux, et hagard, fait à Lully par Corelli
  • Remerciement de Lully : à Apollon

Musifrance

Apollon, persuade Lully et Corelli que la réunion des goûts François et Italiens doit faire la perfection de la musique

  • Lully et les muses françoises – Corelli et les muses italiennes
  • Lully jouant le sujet ; et Corelli l’accompagnant
  • Corelli jouant le sujet à son tour, que Lully accompagne

Musifrance

La paix du Parnasse faite aux conditions sur la remontrance des muses françoises que l’on y parleroit leur langue, on diroit dorénavant Sonade, cantade ; ainsi qu’on prononce ballade sérénade, etc…

  • Sonade en trio
  • Saillie
  • Rondement
  • Vivement

Musifrance

Premier livre de clavecin 1713

Premier ordre

  • Allemande l’auguste
  • Première courante
  • Seconde courant
  • Sarabande la majestueuse
  • Gavotte
  • La Milordine, gigue
  • Menuet
  • Les silvains

* pour cette pièce voir la transcription de Robert de Visé (pièce de Luth)

  • Les abeilles
  • La Nanète
  • Les sentiments sarabande
  • La pastorelle
  • Les nonètes
  • La bourbonnaise, gavotte
  • La Manon
  • L’enchanteresse
  • La fleurie ou la tendre Nanette
  • Les plaisirs de St Germains en Laye

Musifrance

Deuxième ordre

  • Allemande, la Laborieuse
  • Première courante
  • Seconde courante
  • Sarabande la Prude
  • L’Antoine
  • Gavotte
  • Menuet
  • Canaries, double des Canaries
  • Passepied
  • Rigaudon
  • La charolaise
  • La diane, fanfare pour la suite de Diane
  • La Terpsichore
  • La Florentine
  • La Garnier
  • La Babet
  • Les idées Heureuses
  • La Mimi
  • La diligente
  • La flatteuse
  • La voluptueuse
  • Les papillons

Troisième ordre

  • La ténébreuse, Allemande
  • Première courante
  • Seconde courante
  • La lugubre, sarabande
  • Gavotte
  • Menuet
  • Les pèlerins
  • Les Laurentines
  • L’espagnolette
  • Les regrets
  • Les matelots Provençales
  • La favorite, Chaconne à deux temps
  • La Lutine

Musifrance

Quatrième ordre

  • La marche de Gris-vêtus
  • Les Bacchanales
  • La pateline
  • Le reveil-matin

Musifrance

Cinquième ordre

  • La Logivière, Allemande
  • Courante
  • Seconde courante
  • Sarabande dangereuse
  • Gigue
  • La tendre Fanchon
  • La badine
  • La Bandoline
  • La flore
  • L’Angélique
  • La Villiers
  • Les vendangeuses
  • Les Agréments
  • Les ondes

Musifrance

« L’art de toucher le clavecin » 1716

  • Premier prélude
  • Second prélude
  • Troisième prélude
  • Quatrième prélude
  • Cinquième prélude
  • Sixième prélude
  • Septième prélude
  • Huitième prélude
  • Allemande

HM Musique d’abord

Second livre de clavecin 1717

Sixème ordre

  • Les moissonneurs, rondeau
  • Le gazouillement, rondeau
  • Les baricades mistérieuses
  • Les bergeries, rondeau
  • La commère
  • Le moucheron

HM Musique d’abord

* Cf. Bach Jean-Sébastien BWV 183 pour « Les bergeries »

Septième ordre

  • La ménetou, rondeau
  • Les petits ages
  • La Basque
  • La Chazé
  • Les amusements, rondeau

HM Musique d’abord

Huitième ordre

  • La Raphaéle
  • Allemande l’Ausonienne
  • Courant
  • Seconde courante
  • Sarabande courante
  • Gavotte
  • Rondeau
  • Gigue
  • Passacaille, rondeau
  • La morinéte

HM Musique d’abord

Neuvième ordre

  • Allemande à deux clavecins
  • La rafraîchissante
  • Les charmes
  • La princesse de Sens. Rondeau
  • L’Olimpique
  • L’insinuante
  • La séduisante
  • Le Bavolet-flotant. Rondeau
  • Le petit-deuil ou les trois veuves
  • Menuet

Dixième ordre

  • La triomphante
  • La Mézangère
  • La Gabrièle
  • La Nointéle
  • La Fringante
  • L’Amazône
  • Les Bagatelles

HM Musique d’abord

Onzième ordre

  • La Castelane
  • L’Etincelante ou la Bontems
  • Les grâces naturelles
  • La Zénobie

HM Musique d’abord

Les Fastes de la Grande en ancienne MXNXSTRXNDXSX

  • Les notables et jurés – Mxnxstrxndxsx
  • Les vieux et le gueux
  • Les jongleurs, sauteurs et saltimbanques, avec les ours et les singes
  • Les invalides, ou gens estropiés au service de la grande Mxnxstrxndxsx
  • Déroute de toute la troupe, causés par les yvrognes, le singe et les ours

HM Musique d’abord

Douzième ordre

  • Les jumèles
  • L’intime
  • La galante
  • La coribante
  • La Vauvré
  • La fileuse
  • La boulonoise
  • L’atalante

Troisième livre de clavecin 1722

Treizième ordre

  • Les lis naissans
  • Les rozeaux
  • L’engageante
  • Les folies Françoises, ou les dominos
  • L’ame en peine

HM

Quatozième ordre

  • Le rossignol en amour
  • Double du rossignol
  • La linotte effarouchée
  • Les fauvettes plaintives
  • Le rossignol vainqueur
  • La juillet
  • Le carillon de Cythère
  • Le petit rien

HM

Quinzième ordre

  • La régente ou la minerve
  • Le dodo ou l’amour au berceau
  • L’évaporée
  • Musète de Taverni
  • La douce et piquante
  • Les verges fleuris
  • La princesse de Chabeüil

HM

Seizième ordre

  • Les graces incomparables
  • L’himen amour
  • Les vestales
  • L’aimable Thérèse
  • Le drôle de corps
  • La distraite
  • La Létiville

HM

Dix-septième ordre

  • La superbe ou la Forqueray (dédiée a Antoine Forqueray)
  • Les petits moulins à vents
  • Les timbres
  • Courante
  • Les petites crémières de Bagnolet

HM

Dix-huitième ordre

1) La Verneuil

2) La Verneüilleté

  • Sœur Monique
  • Le turbulent
  • L’attendrissante
  • Le Tic Toc choc, ou les maillotins
  • Le Gaillard boiteux

HM

Dix-neuvième ordre

  • Les calotins et les calotines, ou la pièce à tretous
  • L’ingénüe
  • L’artiste
  • Les culbutes Ixcxbxnxs
  • Les muses plantine
  • L’enjouée

HM

Concerts royaux (Pièces de clavecin)

Premier Concert

  • Prélude
  • Allemande
  • Sarabande
  • Gavotte
  • Gigue
  • Menuet en trio

HM

Second Concert

  • Prélude
  • Allemande fuguée
  • Air tendre
  • Air contre fugué
  • Echo

HM

Second Concert (orchestre)

  • Prélude

AliaVox 2005 AV 9842

Troisième Concert

  • Prélude
  • Allemande
  • Courante
  • Sarabande grave
  • Gavotte
  • Muzette
  • Chaconne

HM

Troisième Concert (orchestre)

  • Muzette

AliaVox 2005 AV 9842

Quatrième Concert

  • Prélude
  • Allemande
  • Courante françoise
  • Courant italienne
  • Sarabande
  • Rigaudon
  • Forlane

HM

Quatrième Concert (orchestre)

  • Forlane **

AliaVox 2005 AV 9842

Les Nations (pour orchestre) 1726

Premier ordre : la Françoise

  • Sonade
  • Allemande
  • Premier courante
  • Seconde courante
  • Sarabande
  • Gigue
  • Chaconne
  • Gavotte
  • Menuet

Auvidis

CF. Bach BWV 587 transcription pour orgue

Seconde ordre : l’Espagnole

  • Sonade
  • Allemande
  • Premier courante
  • Seconde courante
  • Sarabande
  • Gigue lourée
  • Gavotte
  • Rondeau
  • Bourrée
  • Passacaille

Auvidis

Troisième ordre : l’impériale

  • Sonade
  • Allemande
  • Premier courante
  • Seconde courante
  • Sarabande
  • Bourrée
  • Gigue
  • Rondeau
  • Chaconne
  • Menuet

Auvidis

Quatrième ordre : la piémontoise

  • Sonade
  • Allemande
  • Premier courante
  • Seconde courante
  • Sarabande
  • Rondeau
  • Gigue

Les leçons de ténèbres (Orchestre et soprano)

  • Première leçon
  • Deuxième leçon
  • Troisième leçon
  • Quatre versets

Erato

Tabescere me fecit (Motet composé sur ordre du Roy)

Erato

Pièces pour les Violes

Premier suite

  • Prélude
  • Allemande légère
  • Courante
  • Sarabande grave
  • Gavotte
  • Gigue
  • Passacaille ou Chaconne

Seconde suite

  • Prélude
  • Fuguette
  • Pompe funèbre
  • La chemise blanche

C° Couperin

texte de Didier Descouens (email)

mailto: italianopera

 
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